1 octobre 2020
Quel futur pour les bureaux en mode covid ?
Si les impacts du covid-19 sont importants dans la vie de la plupart des Français, ils ne sont pas sans conséquence sur les entreprises. Au-delà des risques que la pandémie fait peser sur l’économie, le coronavirus a aussi forcé toutes les organisations à pivoter rapidement. C’est une question de transformation digitale, de transformation humaine et de transformation organisationnelle qui a des impacts importants : pourquoi garder des bureaux dans les grandes villes alors que nous avons appris à travailler à distance de manière au moins aussi efficace – sinon plus ? Entre futur idéal et réalité opérationnelle, voyons quel avenir se dessine pour les bureaux en mode covid.
Travailler ensemble et créer ensemble
C’est grâce à Steve Jobs, au début des années 2000, alors qu’il était directeur général de Pixar, que la philosophie selon laquelle les rencontres fortuites dans les bureaux alimentent la créativité fait école. Une entreprise n’est pas un simple bâtiment sans âme. Au-delà des bureaux et des murs, une entreprise est avant tout une culture et un état d’esprit. Quelque chose qui infuse dans l’air et qui impacte durablement la capacité d’innover. Et la manière dont les locaux sont pensés a un rôle crucial à jouer.
Avant la pandémie, il était communément admis que les bureaux étaient essentiels à la productivité. Quitte à valoriser et à cultiver un présentéisme peu utile. Dans un monde où les entreprises veulent recruter les meilleurs talents, une concurrence s’est intensifiée pour obtenir des espaces de premier choix dans les grands centres urbains. Dans ces campus d’un nouveau genre, le design intérieur favorise les rencontres et la collaboration. Google, Facebook, Apple, Amazon, et tous les géants de la tech’ ont investi des centaines de millions de dollars pour créer des bureaux à leur image. Et quand la pandémie de covid-19 frappe, ce modèle est soudainement remis en question. Twitter a d’ailleurs été l’un des premiers à se démarquer avec l’instauration du travail à distance pour tous et sans limite de temps.
L’épineuse question du travail à domicile
C’est un sujet dont la perception est fortement culturelle. En France, avant la pandémie, le gouvernement estimait qu’environ 8% des travailleurs officiaient depuis la maison contre 17% en moyenne en Europe, et 30 à 35% dans les pays scandinaves. Manque de confiance, perte de contrôle des managers, refus de donner trop de liberté à ses salariés… les raisons sont nombreuses et souvent très subjectives. Selon une étude de McKinsey, 80 % des personnes interrogées déclarent qu’elles aiment travailler à domicile. 41% d’entre elles disent même être plus productives qu’auparavant. Lorsque le confinement du printemps 2020 impose le télétravail à tous, les choses bougent aussi du côté des entreprises qui s’interrogent. Pourquoi ne pas généraliser ou encourager le télétravail pour les salariés qui le peuvent ?
Cette réflexion est importante, car elle ouvre de nouvelles portes. Si une entreprise située dans une région supposée peu attractive, le travail à distance facilite le recrutement. Une PME de Limoges pourrait recruter un cadre basé à Lyon qui travaille de la maison à temps plein par exemple. Ces talents pourraient vivre dans les villes de leur choix sans déraciner leur famille.
L’hybridation : la nouvelle solution ?
Ni totalement à distance ni totalement en présentiel. Le mode hybride pourrait être la solution et le meilleur des deux mondes. Mais là aussi, tout dépend des types d’emplois :
- Télétravail à 100%.
- Hybride avec présentiel délocalisé : mélange de télétravail et de rencontres en présentiel dans des lieux tiers selon les besoins (espaces de coworking, réunions dans des salles louées pour l’occasion, etc.).
- Hybride avec présentiel localisé : mélange de télétravail et de présentiel en entreprise selon un rythme bien défini (2 jours/3 jours ou 3 semaines/1 semaine).
- Présentiel à 100% : pour les salariés non éligibles pour le travail à distance.
L’entreprise devient alors un lieu presque liquide et dématérialisé. On y vient pour travailler sans s’attacher aux locaux. C’est l’ère du « clean desk » avec des surfaces de travail vides de tout objet, du « flex office » et du nomadisme. Dans le futur, on accordera beaucoup d’importance aux bureaux modulaires et aux installations temporaires capables de répondre à des normes et standards « covid compliant ».
C’est ainsi que Kissflow, un fournisseur de services numériques a introduit un modèle hybride baptisé REMOTE+ : trois semaines de travail à distance (dans n’importe quel endroit) avec une semaine de travail au bureau pour laquelle les frais d’hébergement sont pris en charge. Autre exemple avec les salariés de l’agence marketing Novos à Londres qui se voient attribuer chacun un budget mensuel à dépenser pour réserver un espace de travail s’ils le souhaitent et selon leurs besoins. Il existe même des pays et destinations qui développent des programmes pour accueillir les travailleurs à distance. C’est notamment le cas de la Barbade qui mise sur ces derniers pour remplacer les touristes qui affluent habituellement.
Pourquoi payer des locaux quand on peut travailler à distance tout en étant plus efficace et productif ? C’est une question qui agite de nombreux chefs d’entreprise, mais dont la réponse n’est pas simple. Les bureaux font aussi vivre un écosystème économique qui est important sur un territoire (restaurants, nettoyage, taxi, etc.). Sans compter que tout le monde n’a pas forcément un espace au calme pour travailler efficacement avec une connexion internet fiable. Il faudra aussi former ses collaborateurs et managers au travail à distance. Autant de questions qui intéressent les écoles de management qui sont en première ligne pour former les managers de demain qui participeront à cette réinvention du futur modèle même de l’entreprise.