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Lien entre rémunération managériale et performance environnementale : une étude internationale

Dans le cadre de la publication de l’article scientifique  » ESG-based executive compensation and waste management: Global evidence » dans le journal of Environmental Management, notre directeur de la recherche Philippe Odou a eu l’occasion d’échanger avec Asad AI Rind, enseignant-chercheur à SCBS – South Champagne Business School, au sujet de cette contribution qui explore le lien entre la rémunération des dirigeants et la gestion des déchets à l’échelle mondiale.

Cet article, co-écrit avec Gull, A. A., Sarang, A. A. A., Shakri, I. H., et Rind, A. A., met en lumière l’impact des incitations ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) sur la réduction des déchets produits par les entreprises.

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Philippe Odou  :
Asad, tout d’abord, félicitations pour cette publication dans le Journal of Environmental Management. Peux-tu m’expliquer en quelques mots la genèse de cette recherche ? D’où t’est venue l’idée de relier la rémunération des dirigeants à la gestion des déchets ?

Asad Al Rind  :
Merci Philippe. L’idée vient d’un constat simple : beaucoup d’études ont exploré la gouvernance d’entreprise sous l’angle du conseil d’administration, mais très peu se sont intéressées au rôle direct des incitations managériales. Or, les dirigeants décident souvent des investissements environnementaux. Je me suis demandé : que se passe-t-il si leur rémunération dépend réellement de critères ESG ? Est-ce que cela peut influencer la quantité de déchets produits ou le niveau de recyclage ? C’est cette intuition que nous avons testée empiriquement à l’échelle mondiale.

Philippe Odou :
Tu montres un effet significatif : une augmentation d’un écart-type de la rémunération ESG réduit les déchets de 1,07 %. Ce chiffre peut paraître faible, mais dans ton interprétation, il a du poids ?

Asad Al Rind :
Exactement. À l’échelle micro, 1 % semble modeste. Mais sur un panel de 17 000 observations dans 43 pays, cela représente des millions de tonnes évitées. C’est un levier réel. Surtout, il montre que les incitations financières — souvent vues comme incompatibles avec les valeurs environnementales — peuvent être orientées pour produire des effets tangibles.

Philippe Odou :
Tu mobilises la stakeholder-agency theory. Peux-tu préciser en quoi cette articulation théorique est pertinente pour ton objet ?

Asad Al Rind :
L’agence classique oppose dirigeants et actionnaires. Mais dans les enjeux ESG, le conflit s’élargit : les dirigeants doivent concilier des intérêts multiples — investisseurs, régulateurs, citoyens. En reliant la rémunération aux critères ESG, on crée un mécanisme de convergence entre la rationalité économique et la responsabilité sociétale. La théorie de l’agence élargie, ou stakeholder–agency, permet de conceptualiser ce nouvel alignement d’intérêts.

Philippe Odou :
Ton article montre aussi que cet effet est plus fort dans les industries sensibles et dans les contextes de gouvernance faible. Pourquoi ?

Asad Al Rind :
Dans les secteurs comme l’énergie, la chimie ou le ciment, la visibilité environnementale est très forte : toute amélioration se voit immédiatement. De plus, dans les pays ou entreprises à gouvernance faible, la rémunération ESG joue un rôle de substitut — elle compense le manque de contrôle institutionnel. À l’inverse, dans les environnements déjà très réglementés ou bien gouvernés, l’effet marginal est moindre.

Philippe Odou :
Tu utilises le modèle System-GMM pour traiter l’endogénéité. Certains reviewers te diront peut-être qu’il est complexe à interpréter. Qu’est-ce qui t’a convaincu que c’était la meilleure approche ?

Asad Al Rind :
C’est un outil puissant pour des panels longs et dynamiques. Nous voulions éviter que la causalité inverse — les entreprises déjà vertueuses payant mieux leurs dirigeants ESG — biaise les résultats. Le System-GMM permet d’utiliser des instruments internes et de neutraliser cette endogénéité. Nous avons aussi testé la robustesse avec d’autres modèles, et les résultats restent stables.

Philippe Odou :
Ta recherche a aussi une dimension politique : elle donne des arguments aux régulateurs pour conditionner les rémunérations à des critères environnementaux. Est-ce que c’était un objectif assumé ?

Asad Al Rind :
Oui, tout à fait. Nous souhaitions que cette étude ne reste pas purement académique. En montrant qu’un lien financier bien conçu peut réduire les externalités négatives, nous envoyons un signal aux décideurs publics et aux comités de rémunération : l’incitation économique n’est pas l’ennemie de la durabilité, elle peut en être le moteur.

Philippe Odou :
Dernière question, plus personnelle : quel est le prolongement de ce travail ? Vers quelles pistes comptes-tu orienter tes futures recherches ?

Asad Al Rind :
Je voudrais aller vers une approche plus qualitative et institutionnelle. Par exemple, comprendre comment les dirigeants perçoivent concrètement ces indicateurs ESG dans leur vie professionnelle. Il y a aussi un volet comparatif intéressant : comment la culture nationale influence la sensibilité à la rémunération ESG ? Enfin, je souhaite relier cela aux objectifs de développement durable dans les régions émergentes, en particulier en Afrique et en Asie du Sud.

Philippe Odou :
Merci Asad. Cet article illustre bien comment une approche empirique rigoureuse peut nourrir une réflexion managériale et politique plus large. Il ouvre aussi des perspectives fortes pour ta trajectoire HDR.

 Ce qu’on en conclut :

Cette publication illustre l’engagement constant de SCBS – South Champagne Business School dans la recherche appliquée aux enjeux contemporains de durabilité, de gouvernance et de performance responsable.
En démontrant que les incitations financières peuvent devenir un véritable levier de transition écologique, Asad Al Rindet ses co-auteurs ouvrent la voie à une réflexion renouvelée sur le rôle des dirigeants dans la transformation durable des organisations.

Sous la direction de Philippe Odou, le département recherche de SCBS encourage la production scientifique à fort impact sociétal et managérial, au service d’un management plus éthique et durable.

Pour lire l’article complet, cliquez ici : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/41016317/

Référence complète de la publication :
Gull, A.A., Sarang, A. A. A., Shakri, I. H., & Rind, A. A (205). ESG-based executive compensation and waste management: Global evidence. Journal of Environmental Management, 394, 127367