23 février 2024
Genre et parentalité : évolution du rôle masculin et impact sur la consommation
Au cours des dernières décennies, le concept de parentalité en France a considérablement évolué. En 2011, le Comité National de Soutien à la Parentalité (CNSP) a défini la parentalité comme « l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent ». Cette définition englobe un processus intégrant diverses dimensions de la fonction parentale : matérielle, psychologique, morale, culturelle et sociale. Elle met l’accent sur le lien entre un adulte et un enfant, quelle que soit la structure familiale, dans le but d’assurer le soin, le développement et l’éducation de l’enfant. Selon cette définition, soulignée par Bertini (2021), le rôle de la parentalité est indépendant du genre de l’adulte, ce qui signifie qu’il n’y a pas de distinction entre la parentalité vécue par un homme ou une femme.
Au-delà de cette définition, il est évident que les institutions encouragent un équilibre des rôles entre les sexes dans la parentalité, voire ne favorisent pas l’idée qu’un parent jouerait un rôle plus important que l’autre. Par exemple, la durée du congé paternité, instauré en 2002, a été prolongée en 2021, passant de 11 jours à 25 jours calendaires. De même, le taux d’enfants vivant en résidence alternée lors de la séparation de leurs parents ne cesse d’augmenter. Il était de 11,5% en 2020, contre 10,6% en 2018, seulement deux ans auparavant.
Cependant, malgré le discours des institutions prônant l’égalité des sexes en matière de parentalité, Trellu (2007) souligne que « les représentations de la paternité ont davantage évolué que les pratiques elles-mêmes ». Nous sommes encore loin d’atteindre la parité. Même aujourd’hui, après la naissance d’un premier enfant, les couples ont tendance à adopter une répartition traditionnelle des rôles. En France, plus d’une mère sur deux d’enfants de moins de huit ans a cessé de travailler après la naissance de ses enfants ou a réduit son temps de travail, alors que seuls 12% des pères ont modifié leur temps d’activité au-delà de leur congé de paternité. Bien que le taux de pères ayant recours au congé paternité ait légèrement augmenté entre 2013 et 2021, passant de 68% à 71%, cette évolution reste minime. De plus, en ce qui concerne le mode de garde, bien que la garde alternée continue d’augmenter, la grande majorité des enfants de parents séparés résident encore principalement ou exclusivement chez leur mère.
Dans le domaine du marketing, la perception du genre a évolué d’une approche unidimensionnelle à une approche multifactorielle. Les recherches ont examiné l’essence de l’identité masculine et féminine, montrant qu’il existe une dimension culturelle dans le fait d’être homme ou femme. Les identités de genre et les identités sexuelles sont repensées à travers différents modèles, tels que le modèle patriarcal, féministe et postmoderne. Par exemple, des études ont souligné les mécanismes identitaires liés au shopping en groupe pendant l’adolescence, montrant une dualité entre le besoin d’individualisation et le besoin d’assimilation sociale, ces mécanismes étant modérés par le genre.
Plus récemment, les troubles du genre ont soulevé de nouveaux enjeux de communication pour les marques. Les frontières de genre sont devenues floues, brouillées voire troubles. Dans le domaine des jeux vidéo, le genre est également devenu une ressource identitaire, permettant une certaine émancipation des individus en fonction de leur capital.
Cependant, les nouvelles formes de parentalité sont peu explorées en marketing, alors qu’elles induisent de nouvelles constructions identitaires et de rapports à la consommation. Même si les hommes s’engageant dans une parentalité plus affirmée restent encore marginaux, il est évident que les familles contemporaines montrent des évolutions. Certains travaux ont mis en évidence des masculinités en transition ou de nouvelles formes de masculinité, en lien avec des transformations des rapports sociaux de sexe. La crise de la virilité en Occident est également associée à des formes d’hypermasculinité dans d’autres contextes culturels. Certaines activités, telles que des événements festifs, ont été étudiées comme des moyens pour les individus de construire leur identité à travers l’expérience vécue et les possessions matérielles associées.
En outre, plusieurs travaux en marketing ont montré que les hommes peuvent adopter certains comportements ou modes de consommation pour répondre aux attentes de la société en matière de genre. La notion de transgression des normes est également abordée, mettant en évidence le fait que les individus réagissent parfois en dépassant les normes établies, ce qui peut avoir des conséquences positives ou négatives sur eux-mêmes ou sur autrui.
Au terme de cette revue de littérature sur la question du genre et de l’évolution de la parentalité, il nous semble qu’il y a un besoin de recherche spécifique sur une compréhension de la consommation des pères en lien avec l’évolution de la parentalité, notamment sur les pères de familles hétéroparentales qui ont concrètement franchi le pas vers une nouvelle parentalité en prenant un congé parental. Il faudrait donc que les recherches futures sur ce sujet explorent les implications de cette décision en termes de style de vie, d’organisation familiale et d’appropriation de ce nouveau rôle. Une attention particulière devra être portée sur les stratégies identitaires adoptées, la manière dont ils gèrent les tensions et comment la consommation contribue à exprimer cette nouvelle parentalité.
Elodie Crépin, enseignante en marketing – South Champagne Business School (SCBS)