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Accidents industriels et marchés financiers : le cas de TOTAL

Depuis le début du 20ème siècle, les secteurs de la chimie, de la pétrochimie et de l’énergie ont connu de nombreux accidents industriels dont certains ont eu des conséquences particulièrement dramatiques, comme en attestent les statistiques publiées par le BARPI (Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels), avec plus de 19 000 événements enregistrés entre 1992 et 2009 [1]. La répétition de ces catastrophes participe à entretenir une prise de conscience collective, surtout dans les pays industrialisés, selon laquelle la protection de l’environnement et la sécurité des personnes et des biens sont indissociables.

C’est sans doute l’un des facteurs qui expliquent la diffusion récente des concepts de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et d’investissement socialement responsable (ISR). D’une part, les entreprises qui adhèrent aux principes de la RSE intègrent volontairement des préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités, en particulier pour maîtriser et réduire les risques d’accidents industriels. D’autre part, les investisseurs qui s’inscrivent dans les principes de l’ISR sont censés pénaliser les entreprises qui, entre autre, polluent ou sont impliqués dans des catastrophes. Le monde de la finance n’est pas resté étranger à cette évolution et, depuis une vingtaine d’années, certaines pratiques en ont été profondément renouvelées avec l’apparition d’agences de notation spécialisées dans l’évaluation extra-financière des entreprises et la création d’indices boursiers et de fonds spécifiques regroupant notamment les entreprises les plus vertueuses.

Ainsi, un courant de recherche s’est développé dès les années 80 afin d’étudier l’impact des accidents industriels sur les marchés financiers. L’objectif de ces études est non seulement d’évaluer la réaction des investisseurs à de tels évènements mais également d’étudier l’influence de certaines caractéristiques contextuelles relatives aux entreprises concernées (communication environnementale des entreprises avant l’évènement, investissement en matière de RSE, etc…) et/ou aux évènements (gravité, mortalité, quantités de matières toxiques rejetées, etc…).

Une étude empirique récente [2] s’inscrivant dans ce courant de recherche et menée sur un échantillon de 17 accidents industriels graves ayant tous impliqué le groupe TOTAL entre 1999 et 2012 montre des résultats plutôt inattendus. En effet, il apparait que les marchés financiers ne sanctionnent pas vraiment ce type d’évènements, même dans les cas les plus graves (marée noire de l’Erika en 1999, explosion de l’usine AZF en 2001, explosion d’un dépôt pétrolier à Buncefield en 2005). Plusieurs propositions permettent finalement d’apporter des éléments d’explication à ce constat surprenant :

  • Les accidents font partie du quotidien des entreprises industrielles.
  • Certains accidents industriels n’intéressent pas les médias.
  • La responsabilité de l’accident peut être difficile à attribuer sur le plan juridique.
  • Une communication environnementale crédible des entreprises impliquées dans un accident industriel peut participer à créer un climat de confiance avec leurs parties prenantes et à légitimer leurs actions.
  • L’évaluation de la gravité des accidents industriels est complexe, longue et incertaine.
  • Certains accidents industriels, même les plus graves, n’ont pas d’effet néfaste significatif sur la situation financière des entreprises.
  • Une part importante de l’actionnariat est géographiquement éloignée des lieux des accidents et n’a pas connaissance des événements eux-mêmes.

[1] https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/le-barpi/

[2] Lafontaine J-P. et Pecchioli B. (2015) « Les marchés financiers sanctionnent-ils les sociétés impliquées dans des accidents industriels graves ? Le cas du groupe TOTAL entre 1999 et 2012 », Finance Contrôle Stratégie, 18(3), p. 1-32.

Auteur : Bruno Pecchioli
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